L’histoire du vignoble auxerrois est intimement liée aux crises qui ont secoué le monde viticole en France. L’une des premières grandes épreuves que ces terres ont affrontées fut l’arrivée du phylloxéra à la fin du XIXe siècle, ce terrible puceron originaire d’Amérique du Nord qui ravagea les vignes en Europe.
Dans l’Auxerrois, comme ailleurs, ce fléau réduisit considérablement la surface du vignoble. Avant la crise du phylloxéra, les vignes couvraient près de 42 000 hectares autour d’Auxerre. En quelques décennies, ce chiffre chuta dramatiquement, atteignant à peine 1 500 hectares au début du XXe siècle (source : Bourgogne Wines).
Pour s’en sortir, les vignerons auxerrois n’eurent d’autre choix que de s’adapter : ils se tournèrent vers la greffe sur des porte-greffes américains, résistants au phylloxéra, mais cette méthode ne fut pas sans défis. Les sols de la région, composés de calcaires kimméridgiens, nécessitaient des ajustements, et les premières greffes échouèrent parfois. Malgré cela, l’innovation finit par triompher, permettant aux vignes de renaître progressivement.
Le XXe siècle n’épargna pas le vignoble auxerrois. Les deux guerres mondiales, avec l’exode des hommes et la dévastation des terres, laissèrent des stigmates profonds. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il fallut presque tout reconstruire. Le vin d’Auxerre, longtemps réputé, avait perdu en renommée, éclipsé par des appellations comme Chablis ou les grands crus de Bourgogne.
Puis vinrent les crises économiques du XXe siècle. Dans les années 1970 et 1980, face à l’intensification de la concurrence internationale et au désintérêt croissant pour les vins locaux dits « rustiques », les vignerons durent repenser leur identité. Cela marqua le début d’une révolution qualitative. La mise en avant de cépages adaptés au terroir – comme le pinot noir et le chardonnay, emblèmes de la Bourgogne – permit d’élever le niveau des vins grâce à des pratiques culturales plus respectueuses et des vinifications mieux maîtrisées.
Si les crises économiques et historiques ont forgé la résilience du vignoble auxerrois, celles liées au climat représentent un nouveau défi de taille. Depuis plusieurs décennies, les variations climatiques affectent directement la viticulture, à commencer par les conditions de maturation des raisins. En Auxerrois, où les printemps peuvent être capricieux et les automnes parfois trop précoces, ces modifications rendent les récoltes plus aléatoires.
Les épisodes de gel printanier constituent l’un des fléaux majeurs pour les vignerons. En 2021, par exemple, une vague de gel dévastatrice a détruit jusqu’à 80 % des bourgeons dans certaines parcelles des vignobles bourguignons, Auxerrois compris (source : France Bleu). À cela s’ajoutent des étés plus chauds, qui accélèrent parfois la maturation des cépages et posent des défis en matière d’équilibre aromatique et de fraîcheur.
Mais encore une fois, le vignoble auxerrois refuse de plier face à l’adversité. Pour contrer ces défis climatiques, plusieurs jardins de solutions prennent forme :
Ce qui caractérise également le vignoble auxerrois, c’est la solidarité qui unit ses acteurs. Les crises, qu’elles soient climatiques ou économiques, ont renforcé cette entraide historique. C’est notamment grâce à des structures comme la cave coopérative de Bailly-Lapierre, spécialisée dans la production de crémants de Bourgogne à base de pinot noir et de chardonnay, que certains vignerons ont pu maintenir leur activité dans les années difficiles.
Les initiatives collectives, comme les groupements de producteurs bio ou les AOC (Appellations d’Origine Contrôlée) plus locales, permettent également de préserver les terroirs et de continuer à valoriser les spécificités régionales.
Depuis quelques années, le vignoble auxerrois connaît un regain d’attention grâce à un retour vers des pratiques respectueuses de l’environnement et une ouverture au tourisme viticole. De nombreux domaines se tournent désormais vers l’agriculture biologique, tandis que d’autres explorent les voies de la biodynamie. Cette approche, qui prend en compte les cycles lunaires et la vie des sols, devient particulièrement prisée par les nouvelles générations de vignerons.
En parallèle, l’œnotourisme se développe rapidement. Des domaines comme celui de la famille Bersan à Saint-Bris-le-Vineux ou encore le château d’Ancy-le-Franc accueillent des visiteurs avides de découvrir les secrets de ce patrimoine vivant. Visites de caves, dégustations au cœur des vignes, balades en trottinettes électriques : autant d’initiatives qui permettent de faire rayonner le vignoble auxerrois auprès de publics variés.
À travers les siècles, et malgré des périls parfois omniprésents, le vignoble auxerrois a su préserver son âme. Ce territoire, bercé par les eaux de l’Yonne et gardien de cépages d’exception, prouve que la passion des hommes et des femmes de la vigne peut triompher des aléas de l’histoire et de la nature.
Aujourd’hui, le vignoble auxerrois s’inscrit dans une dynamique positive : un retour à l’authenticité, la quête de qualité et une conscience écologique renforcée. Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de goûter ces nectars, peut-être est-il temps de redécouvrir les cuvées de l’Auxerrois. Une bouteille, après tout, ne raconte pas seulement un terroir, mais aussi une histoire de courage et de persévérance. Santé !