L’histoire de l’Auxerrois est indissociable de celle des vins de Bourgogne. Mais alors que les vins bourguignons jouissaient d’un rayonnement croissant grâce au commerce et au soutien des Ducs de Bourgogne au Moyen Âge, l’Auxerrois, bien que prospère, a vu son développement freiné par plusieurs événements historiques.
Comme beaucoup d'autres régions françaises, l'Auxerrois a été terriblement impacté par l'épidémie de phylloxéra à la fin du XIXe siècle. Ce parasite destructeur, venant d'Amérique, a décimé la quasi-totalité des ceps de vigne. Si les grandes régions viticoles, comme la Côte-d’Or, ont bénéficié rapidement d’un programme intensif de replantation avec des porte-greffes américains, les vignobles de l'Auxerrois, plus modestes en termes de notoriété et de moyens, ont mis plus de temps à se reconstruire. Nombre de vignerons locaux, découragés, ont abandonné la production au profit d’autres cultures agricoles.
À l’époque contemporaine, les classements instaurés par l’INAO (Institut National des Appellations d’Origine) ont directement contribué à éclipser des vignobles comme ceux de l’Auxerrois. Dans les années 1930, c’est la Côte-d’Or qui a reçu le titre envié de “cœur historique de la Bourgogne”, reléguant les vins de l’Auxerrois à des appellations locales (AOC Côte d’Auxerre, AOC Saint-Bris ou AOC Irancy), souvent moins valorisées que les fameux crus bourguignons acclamés à l’international comme Meursault, Vosne-Romanée ou Gevrey-Chambertin.
Le terroir de l’Auxerrois, pourtant, n’a rien à envier à celui de ses voisins prestigieux. Cette région profite d’un sol majoritairement argilo-calcaire, semblable à celui de Chablis, célèbre pour ses vins blancs d'une minéralité saisissante. Alors, pourquoi cette méconnaissance ? Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela.
La consommation de vin a elle aussi joué un rôle dans la mise à l’écart des vins de l’Auxerrois. Longtemps, les consommateurs – en France comme à l’étranger – ont privilégié les grands noms et les grands crus de Bourgogne, aux dépens des vins régionaux moins connus. La mondialisation des échanges a également favorisé les marques puissantes capables de se positionner rapidement sur des marchés émergents comme celui des États-Unis ou de l’Asie.
Dans ce contexte, les vignobles auxerrois, souvent exploités par de petits producteurs locaux, ont eu du mal à rivaliser. Produire d’excellents vins est une chose, savoir les mettre en valeur sur le marché en est une autre, et l’Auxerrois a longtemps souffert d’un manque de stratégies marketing efficaces.
Heureusement, les choses évoluent. Depuis une vingtaine d’années, l’Auxerrois commence à attirer l’attention des amateurs de vins en quête d’authenticité et de singularité. Plusieurs initiatives méritent d’être soulignées :
De nombreux vignerons de la région ont investi dans la qualité, que ce soit à travers des pratiques viticoles respectueuses de l’environnement (agriculture biologique, biodynamie) ou en optimisant les techniques de vinification. Les rouges d’Irancy, souvent vinifiés avec un soupçon de césar (cépage ancien), offrent aujourd’hui des vins puissants mais équilibrés, tandis que les blancs de Saint-Bris (élaborés à partir de sauvignon, une rareté en Bourgogne) séduisent par leur fraîcheur aromatique.
Un autre levier fort de redynamisation est le développement de l’œnotourisme. L’Auxerrois, avec son patrimoine naturel et culturel riche, compte parmi ses joyaux des sites comme Auxerre, ville d'art et d'histoire, ou encore Vézelay, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Lier la découverte des crus locaux à des expériences touristiques enrichissantes permet de capter un public nouveau, souvent citadin et curieux.
Dans un monde où la quête d’authenticité et la valorisation des terroirs confidentiels prennent de l'ampleur, l’Auxerrois a un rôle à jouer. Les défis restent nombreux – parmi eux, le maintien d’une production artisanale face à l’industrialisation des grandes appellations – mais la passion et le savoir-faire des vignerons locaux sont des atouts précieux. Et si la discrétion de l'Auxerrois devenait son meilleur atout, une manière pour les amateurs de vins de découvrir, à leur rythme, un terroir encore préservé et résolument unique ?