7 février 2025

Un voyage dans le temps : l’histoire du vignoble auxerrois et son évolution

des origines religieuses : les moines bâtisseurs des vignobles

L’histoire du vignoble auxerrois plonge ses racines dans le Moyen Âge. À l’époque, c’étaient principalement les moines bénédictins et cisterciens qui ont donné l’impulsion décisive au développement de la vigne dans cette région. Les abbayes, omniprésentes dans le paysage bourguignon, étaient bien plus que de simples lieux de prière : elles fonctionnaient comme des centres économiques et agricoles, incluant bien sûr la production de vin.

Les moines avaient compris que la région d’Auxerre présentait des caractéristiques idéales pour la viticulture : des sols argilo-calcaires adaptés, un climat tempéré et des coteaux bien exposés pour capter le soleil. Ces hommes de foi et de travail ont structuré le paysage viticole, sélectionné les cépages les mieux adaptés et perfectionné les techniques de vinification. Si aujourd’hui Auxerre et les villages alentours brillent par leur élégance viticole, c’est en partie grâce à cet héritage monastique.

Un fait marquant ? Certaines parcelles exploitées dès le XIIe siècle par les moines sont encore aujourd’hui en activité. Les noms de domaines comme ceux de Saint-Bris-le-Vineux rappellent d’ailleurs l’influence spirituelle et historique de ces bâtisseurs de terroir.

le choc du phylloxéra : une crise majeure pour l’Auxerrois

L’histoire viticole n’est pas un long fleuve tranquille, et les vignes de l’Auxerrois ne sont pas passées entre les gouttes lors de la grande catastrophe du phylloxéra. Cette calamité, qui a frappé dans les années 1860 et s'est propagée comme une traînée de poudre à travers l’Europe, a dévasté le vignoble. À Auxerre, les dommages furent terribles : la petite ville, dont une grande partie des habitants vivait directement ou indirectement de la vigne, vit ses ceps ravagés en quelques années.

Ce minuscule insecte, venu d’Amérique, attaquait les racines des ceps européens, provoquant leur mort rapide. Face à une situation aussi dramatique, de nombreux viticulteurs furent contraints d’abandonner leurs terres. Mais la clé de la résilience est souvent l’innovation : la solution vint d’un porte-greffe américain, résistant au phylloxéra, sur lequel on greffa les cépages traditionnels de la région. Cette technique permit aux vignerons de sauver leur patrimoine viticole et posa les bases d’une nouvelle prospérité dans l’Auxerrois.

Ce bouleversement entraîna cependant une évolution forte du paysage viticole local : de nombreux vignobles exploités auparavant furent laissés à l’abandon, et d’autres régions s’affirmèrent durant cet interlude difficile.

dans l’ombre des géants : quand d’autres terroirs éclipsent l’Auxerrois

Le vignoble auxerrois a dû, au fil des siècles, se mesurer aux mastodontes de la Bourgogne viticole traditionnelle : les bastions que sont Beaune, Nuits-Saint-Georges et Chablis. Ces régions voisines jouissaient d'une meilleure notoriété mais aussi d'un soutien commercial et logistique plus développé. De fait, l’Auxerrois, bien que riche de cépages et de savoir-faire, fut souvent relégué au second plan sur les tables des amateurs de vins français.

Un autre tournant marquant survint au XXe siècle avec l’explosion du transport ferroviaire et les progrès techniques. Les vins de Bordeaux et de Champagne, plus accessibles et plus à même d’attirer les amateurs vers leurs arômes complexes ou leurs bulles festives, écartèrent à nouveau l’Auxerrois de la lumière. Résultat : à peine quelques hectolitres d'une production essentiellement localisée dans des appellations comme Saint-Bris ou Irancy arrivèrent à franchir les frontières régionales.

Pour couronner le tout, la dénomination géographique parfois floue n’a pas aidé la reconnaissance internationale : "Auxerrois" fait autant référence à des vins issus de l’Auxerrois qu’à un cépage blanc cultivé dans d'autres régions, notamment en Alsace. Ce manque de clarté a parfois joué contre le prestige de ce terroir pourtant unique.

crises économiques et climatiques : une résilience exemplaire

Comme beaucoup d’autres régions viticoles, l’Auxerrois n’a pas été épargné par les tourments du XXe siècle. La Grande Dépression des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale ont porté des coups durs aux vignobles, déjà affaiblis par la concurrence et les changements structurels. Pourtant, les vignerons locaux ont su rester debout, grâce à une solidarité régionale et une véritable passion pour leurs terres.

Au XXIe siècle, de nouveaux défis sont apparus. Le dérèglement climatique a modifié de façon perceptible le calendrier des vendanges, obligeant les producteurs à s’adapter. Les canicules et les gelées tardives, de plus en plus fréquentes, participent à rendre la tâche ardue. Mais face à ces épreuves, l’Auxerrois fait preuve d’une capacité d’adaptation remarquable. Les pratiques de viticulture raisonnée et biologique se développent, soutenues par une nouvelle génération de vignerons amoureux de leur terroir.

Enfin, les enjeux économiques liés à une concurrence internationale exacerbée ont poussé les vignerons à se tourner vers des marchés de niche, valorisant des produits d’exception et des cépages parfois oubliés. C’est notamment le cas pour la redécouverte de cépages anciens, tels que le césar, emblématique à Irancy.

les grandes dates qui ont façonné l’Auxerrois viticole

  • XIe - XIIe siècles : les abbayes jouent un rôle moteur dans l’expansion de la vigne et la mise en valeur des sols.
  • XIXe siècle : l’arrivée du phylloxéra ravage le paysage viticole et bouleverse l’économie locale.
  • 1930 : la création des premières appellations d’origine contrôlée (AOC), donnant une reconnaissance officielle à des régions comme Irancy ou Saint-Bris.
  • Années 2000 : un regain d’intérêt pour les vins issus de vignobles moins médiatisés est observé, avec une vague de jeunes vignerons innovants.

une histoire encore à écrire

Le vignoble auxerrois est bien plus qu’un paysage charmant : c’est une région qui porte en elle l’empreinte des siècles, des luttes et des renaissances. Aujourd’hui, grâce à une génération de vignerons audacieux et passionnés, une attention renouvelée est portée à cette terre riche d’histoire et de potentiel. Que vous soyez amateur curieux ou fin connaisseur, osez explorer les vins de l’Auxerrois. Chaque gorgée est une invitation à découvrir un chapitre méconnu de l’histoire viticole française, où se mêlent tradition et modernité, résilience et finesse.

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