19 avril 2025

Plongée dans l’histoire : l’organisation des vendanges d’antan dans l’Auxerrois

Les vendanges, un événement attendu et planifié

Dans l’Auxerrois d’autrefois, les vendanges étaient bien plus qu’un travail saisonnier : c’était un événement marquant dans la vie des villages. On ne décidait pas de commencer à récolter les grappes à la légère. Le signal de départ était donné par le ban des vendanges, un décret émis par les autorités locales – souvent à l’échelle de la paroisse ou du canton. Cette coutume remontait au Moyen Âge et avait pour but de protéger le raisin contre des récoltes précipitées ou des vols.

Ceux qui osaient braver le ban pour cueillir avant l’heure s’exposaient à des sanctions sévères, car chaque jour de maturation supplémentaire était précieux pour l'équilibre du raisin. Ce moment précis où le fruit atteignait sa maturité optimale marquait une sorte de consensus entre la nature, le vigneron et les traditions, reliant les générations dans une même quête : produire un vin digne du terroir.

Un travail collectif mobilisant tout le village

Une fois le ban levé, tout le village se mobilisait pour participer aux vendanges. À une époque où l’entraide était un pilier du quotidien, il n’était pas rare de voir les familles travailler côte à côte dans les rangs de vignes. Même ceux qui n'étaient pas directement propriétaires de parcelles prêtaient main-forte, soit par solidarité, soit en échange d’une rémunération (souvent sous forme de vin ou de nourriture).

Des équipes bien organisées

Les vendanges suivaient une organisation stricte. Les hommes, souvent plus robustes, se chargeaient de porter les brouettes ou les hottes, ces grands paniers que l’on remplissait directement dans les rangs de vigne. Les femmes, à la main plus délicate, s'occupaient souvent de couper les grappes avec des serpettes, de petits outils tranchants et courbés, précautionneusement aiguisés pour ne jamais abîmer les ceps. Les enfants, quant à eux, étaient assignés à des tâches plus légères comme ramasser les grappes tombées à terre ou apporter de l’eau aux vendangeurs.

Les journées commençaient tôt, souvent avant le lever du jour, pour profiter de la fraîcheur matinale. Car travailler sous le soleil de septembre, parfois ardent, n’était pas de tout repos. Aux pauses, on partageait du pain, des fromages locaux et un bon vin de l’année précédente, dans une ambiance chaleureuse et festive.

Le tri et le pressurage : à la croisée du travail et de la fête

Une fois les grappes récoltées, il fallait trier le raisin pour ne conserver que les meilleurs. Ce travail se faisait souvent directement dans le vignoble, sous un regard attentif. Certaines grappes véreuses ou trop abîmées étaient écartées pour préserver la qualité du vin.

L'art ancestral du foulage

Avant l’arrivée des pressoirs modernes, une partie du raisin était foulée aux pieds. Cette image, qui peut sembler aujourd’hui romantique, témoignait surtout d’une méthode traditionnelle et efficace pour libérer les précieux jus des baies sans abîmer les pépins. Cela se faisait dans de larges cuves en bois, autour desquelles les vendangeurs, pieds nus, chantaient souvent des airs populaires. Cette étape avait une dimension festive autant que laborieuse, marquant un passage symbolique entre la vendange et l’élaboration du vin.

  • Les pressoirs collectifs : Dans l’Auxerrois, comme dans d'autres régions, certains villages possédaient des pressoirs communs. Ces machines, souvent imposantes, étaient actionnées manuellement. L’effort collectif était de mise : il fallait tourner les grandes vis pour compresser le raisin, et certains pressoirs demandaient la force de dix hommes !
  • L’ingrédient incontournable : une ambiance joyeuse, où l’effort physique se mêlait aux rires et aux discussions animées. C'était l’occasion de rassembler les familles, évoquer les récoltes passées et envisager avec optimisme celles à venir.

Anecdotes et traditions uniques à l’Auxerrois

L’Auxerrois, avec son caractère unique, possédait également des traditions bien ancrées lors des vendanges. Par exemple, il était courant de célébrer la fin des récoltes par un banquet, appelé parfois l’éclapée dans le dialecte local. Ce festin marquait la clôture des travaux et était l’occasion de remercier tous les participants. On sortait de vieilles recettes, comme des vins cuits accompagnés de pains frais et de viandes rôties, sans oublier les traditionnelles tartes aux fruits locaux.

Une autre coutume propre à la région était celle de la grappe royale. Au cours des vendanges, on désignait souvent une grappe particulièrement belle et imposante pour symboliser la prospérité de l’année. Celle-ci faisait l’objet d’un soin particulier et était parfois offerte au notaire ou au curé, en guise de remerciement symbolique.

Les vendanges dans l’Auxerrois : un héritage vivant

Bien que les méthodes modernes aient radicalement transformé la manière dont nous réalisons les vendanges aujourd’hui – avec des machines, des procédés technologiques et une logistique millimétrée –, il reste dans les caves et les vignes de l’Auxerrois une mémoire vive de ces temps anciens. Les récits des anciens, les objets d’époque accrochés aux murs des chais, ou encore les vieilles chansons fredonnées par les vignerons au détour d’une vigne, nous rappellent à quel point ce moment de l’année était synonyme de partage et de vie communautaire.

Alors, lorsque vous dégusterez un vin venant de cette belle région, souvenez-vous qu’il est le fruit d’une longue histoire de traditions, de sueur et de rires, où chaque goutte semble raconter les vendanges d’un autre temps.

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