19 mars 2025

Comprendre l’influence des variations de température sur la maturité des raisins

Ce que signifie la maturité des raisins

Quand on parle de maturité, on évoque souvent deux grandes facettes : la maturité technologique et la maturité phénolique. La première correspond principalement à l’équilibre entre les sucres et les acides, tandis que la seconde implique le développement des tanins et des composés aromatiques dans la peau, les pépins et parfois même les rafles. Ces deux types de maturité n’évoluent pas toujours au même rythme. Les variations de température peuvent exacerber ce décalage, ce qui force les vignerons à jongler entre science, intuition et météo pour choisir le moment parfait de la récolte.

Les effets directs des températures élevées : le sucre s’emballe

En période de chaleur, la vigne accélère sa photosynthèse. Cela signifie que la plante transforme plus rapidement le dioxyde de carbone en sucres, qui migrent ensuite dans les baies. Résultat : une maturité technologique plus précoce. Les degrés potentiels du futur vin augmentent, ce qui peut conduire à des vins plus alcoolisés si la fermentation est menée à son terme.

Cependant, cette évolution rapide a des effets collatéraux. Les fortes températures favorisent également la dégradation des acides, en particulier l’acide malique, essentiel pour apporter fraîcheur et vivacité aux vins. C’est souvent un défi dans les régions soumises aux vagues de chaleur estivales ou dans des millésimes de plus en plus chauds observés ces dernières décennies sous l’effet du changement climatique.

Quelques chiffres marquants

  • Au-delà de 35°C, la vigne entre souvent en « stress thermique », ralentissant son activité pour se protéger. Si cette période dure, cela peut altérer la qualité des raisins.
  • Un réchauffement de 1 °C peut faire avancer les vendanges de 6 à 10 jours, selon une étude de l’INRAE.
  • Les cépages sensibles comme le pinot noir ou le chardonnay réagissent particulièrement aux montées de température, nécessitant une gestion rigoureuse des pratiques culturales.

Le rôle de la fraîcheur nocturne : l’équilibre comme enjeu majeur

Les nuits fraîches offrent un répit aux vignes : elles ralentissent la respiration des baies et préservent les acides naturels, cruciaux pour l’équilibre final du vin. Ce contraste thermique entre le jour et la nuit, qu’on appelle l’amplitude thermique, est particulièrement visible dans certaines régions viticoles réputées.

En Bourgogne, l’Auxerrois bénéficie encore d’un climat continental modéré avec des écarts jour-nuit notables, permettant au chardonnay et aux pinots noirs de développer cette magie d’équilibre entre sucre, acidité et structure. Les nuits fraîches sont également propices au développement des arômes primaires : notes de fruits frais, florales ou citronnées, qui disparaissent souvent sous un stress thermique prolongé.

Les températures basses et leurs impacts

À l’inverse des chaleurs excessives, les températures fraîches prolongées ralentissent la maturité des raisins. Cela peut être bénéfique pour développer des arômes plus subtils et complexes, en particulier dans les cépages blancs comme l’aligoté de l’Auxerrois, qui tire parti de ces conditions pour offrir des vins dynamiques et croquants.

Cependant, un froid marqué, notamment en début ou en fin de saison, peut inquiéter les vignerons. Le gel de printemps, par exemple, est redouté dans notre région : il peut réduire drastiquement la récolte si les bourgeons sont touchés. Un automne trop frais peut également freiner la maturation phénolique, laissant des tanins verts ou des baies sous-développées.

Une anecdote auxerroise

En 2021, des gelées printanières historiques ont réduit de moitié la production dans certaines parcelles de Bourgogne, y compris dans notre terroir auxerrois. Cela a rappelé cruellement à quel point la température est un facteur capricieux et déterminant pour la vigne.

Comment les vignerons s’adaptent-ils ?

Face à ces variations, les vignerons déploient un éventail de stratégies. Voici quelques pratiques plus particulièrement utilisées :

  • Gestion de la couverture végétale : garder un feuillage dense peut protéger les grappes d’un excès de soleil, tandis qu’une taille bien pensée prévient l’accumulation d’humidité et de froid.
  • Choix des dates de vendanges : L’observation attentive de la maturité des baies est aujourd’hui souvent couplée à des analyses techniques (taux de sucre, acidité, tanins) pour décider du jour idéal.
  • Adaptation des cépages : Certains vignobles introduisent des cépages plus résistants aux températures élevées, bien que cela reste encore rarissime dans l’Auxerrois, où les cépages traditionnels sont jalousement préservés.

Vers la recherche et l’anticipation

Les stations météorologiques locales, les modèles climatiques et les nouveaux outils technologiques aident de plus en plus les vignerons à prévoir et à gérer les situations critiques. Mais le facteur humain, l’expérience et la connaissance de chaque parcelle restent indispensables dans cette quête d’adaptation perpétuelle.

Un défi climatique mais aussi aromatique

Pour la viticulture auxerroise, ces défis climatiques sont une occasion de réinventer les pratiques notamment pour préserver l’authenticité de notre terroir. Derrière chaque bouteille issue de notre région se cache un travail précis pour trouver l’équilibre, pour dompter le soleil sans perdre la fraîcheur, pour révéler chaque arôme dans sa plus belle expression.

Alors, que nous soyons en train de siroter un vin blanc pourvu d’une belle tension minérale ou savourant un rouge soyeux légèrement épicé, souvenons-nous que tout commence dans un raisin qui, au rythme des températures, forge son destin avec patience et résilience. Santé ! 🍷

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